Noms de Familles et Noms de Lieux

Noms de Familles et Noms de Lieux

AIRES À DÉPIQUER

 

Aires à dépiquer

 


Le nom de lieu Pailhas

 

Pailhas est un nom de  hameau de la commune de Compeyre sur la route de Rivière-sur-Tarn. Il est déjà connu dans le Livre de l’Epervier : locus […] de Palhas, en 1349 que l’on pourrait traduire par « lieu-dit de Palhas ».

On connaît aussi Le Mas de Paillas, à l’est de Foissac, au milieu d’un complexe de croisements routiers.

Ces noms de lieux se réfèrent à l’occitan palhàs « gros tas de paille » désignant une aire à dépiquer.

 

 

Le nom de famille Pailhas

 

Le nom de lieu est passé maintes fois à l’habitant. L’Aveyron est le département de référence du nom de famille PAILHAS. Avec 130 naissances au siècle dernier (1891-1990), il cumule une grande partie de l’ensemble des 350 naissances sur le plan national.

Donc loin devant le Tarn (40) et le Tarn-et-Garonne (27).

Si l’on suit les foyers de fréquence (Paulhe, Aguessac, La Cresse, Compeyre, Rivière-sur-Tarn et Verrières), on voit que le hameau de Pailhas  a laissé son empreinte dans de nombreux noms de familles.

On retrouve ce patronyme à Millau et sa région (Creissels, Saint-Georges-de-Luzençon), à Villefranche-de-Rouergue, dans l’ouest du Ségala (La Salvetat-Peyralès, Quins, Cabanès, Rieupeyroux), Rodez et sa région.

 

 

Quand le l est mouillé…

 

Le nom de lieu et nom de famille Pailhas mêle deux graphies : l’orthographe occitane lh et l’orthographe française ill.

Le nom de famille PALHAS (peu connu) ne conserve que la graphie occitane.

Le nom de famille PAILLAS (2 fois plus connu que Pailhas mais répandu dans le Sud-Ouest : Ariège, Haute-Garonne, Tarn-et-Garonne) est totalement francisé.

Cette dernière forme est également très répandue dans la toponymie : Lot, Haute-Garonne, Tarn-et-Garonne.

Avec le même sens de « lieu de dépiquage », on connaît aussi le féminin palhassa représenté par Paillasse de la Lozère, du Lot-et-Garonne, du Tarn-et-Garonne et de bien d’autres départements occitans.

On le trouve aussi dans l’Aveyron avec La Paillasse, lieu-dit  à l’est du hameau de Vors et  Combe Pailhasse, lieu-dit au sud-ouest d’Ols, dans la commune d’Ols-et-Rinhodes.

A noter que ce nom de famille existe dans le nord-ouest du département de l’Aveyron : 16 naissances au siècle dernier (1891-1990) dans les foyers de fréquence de Villeneuve-d’Aveyron, Villefranche-de-Rouergue, Capdenac-Gare, Cransac.

 

 

Pailliès, Pailhès, Paillès

 

Il faut s’intéresser, par ailleurs, aux palhièrs, proprement « meules de paille » désignant des aires à dépiquer. Dans les toponymes aveyronnais, le r final s’est fondu dans le s du pluriel : palhièrs > palhiès.

 D’où Palhiès, ferme, 3 km à l’est de Villecomtal et Pailhes, ferme au nord de Brommat, porté Paliès en 1868 par J.-L. Dardé dans ses Noms de lieux habités de l’Aveyron.

A ce type de nom de lieu se rattachent les noms de familles PAILLIÈS, PAILHÈS, PAILLÈS, PAILHEZ diversement représentés.

La formes Pailliès a l’Aveyron pour département de référence. Mais ses effectifs sont modestes :  13 naissances pour 65 sur le plan national, réparties dans le sud du département : Millau, Saint-Rome-de-Tarn, Saint-Georges-de-Luzençon, Saint-Affrique et Broquiès.

Pailhès est de loin le plus connu sur le plan national : 1385 naissances de 1891 à 1990 pour 166 attribuées à Paliès, 65 à Pailliès et 39 à Palliez. L’Ardèche, l’Hérault et l’Ariège en sont les départements de référence. Avec 31 naissances, l’Aveyron est à la 11e place.

L’Aveyron est à la 9e place pour Paillès moins connu (307 naissances sur le plan national).

Quant à Pailhez, connu dans l’Aude et l’Hérault, il est ignoré de l’Aveyron.

 

 

 

 

La Pailharié, La Paillerie

 

Dans la commune de Coupiac, sur les hauteurs, non loin (à vol d’oiseau) de la vallée du Rance et de Balaguier-sur-Rance1, le nom de la ferme de La Pailharié représente l’occitan palhariá au sens d’aire à dépiquer.

Au nord-ouest du département, à Vailhourles, sur le causse de Villeneuve, le nom du hameau de La Paillerie offre une version française de Pailharié.

 

 

Palhières, Pallières, Palières

 

Dans la commune de Saint-Izaire, sur une replat dominant un méandre du Tarn, le nom de la ferme de Palhières représente l’occitan palhièra « meule de paille », avec possibilité du sens spécial de « meule de paille rectangulaire dont la partie supérieure est en forme de toit ».

On observe ici le passage de la prononciation « paillère » à «  palière » : le passage de l mouillé représenté par lh à l simple avec Palières, hameau sur un replat de versant au nord-ouest de la commune, et Pallières, hameau en hauteur de la commune de Broquiès, répondant à un processus de dépalatalisation  où « l’herbe taillante »  devient « herbe taliante » avec ou non l’appoint de la francisation qui, bien souvent, force le trait et l’étend abusivement.

La même remarque est à faire avec l’augmentatif palhieràs, proprement « grosse meule de paille » avec sens toponymique de « grande aire à dépiquer » représenté par Le Palieyras (coM. des Costes-Gozon), nom de  ferme sur le versant nord-est de la hauteur portant le château de Gozon.

Notons au passage la prise en compte de la triphtongue ièi par le iey de Palieyras : palhièràs / palhièiràs.

 

 

Paillé et Pallié

 

De la même manière, nos « paillers » toponymiques deviennent des paliers.

Citons : Les Paliès, aujourd'hui site de ruines dominant le cours de la Muze, dans la commune de Castelnau-Pégayrols ; Le Paliès, ferme de la commune de Druelle, dans une boucle de l’Aveyron, près d’Ampuac ; et Les Pallies (avec perte d’accent écrit), ferme au nord-ouest de Mélac, sur le Larzac, portée Pailhiès par Jean-Louis Dardé, en 1868, dans son Dictionnaire des lieux habités de l’Aveyron.

 Sur le Causse Noir, Marie-José Cartayrade et Pierre Solassol observent ainsi, dans leur ouvrage Le Causse Noir (p. 91), d’abusifs « espaliers » à Espaliès, ferme 3 km à l’ouest de la commune. Ici le pluriel los palhièrs = los paliès « les aires à battre les céréales »  a donné lieu à une évolution : los paliès > los spaliès > los espaliès.

De la même manière, on ne trouve pas de nom de famille PAILLÉ en Rouergue : ce nom de famille hante la façade atlantique (Charente Maritime, Gironde), le Lot-et-Garonne et le littoral méditerranéen (Bouches-du-Rhône, Var). On y trouve encore moins de PAILLER : ils sont  cantonnés à la Dordogne et à la Charente Maritime.

On aurait pu s’attendre à disposer d’autant plus de PALLIER (donc avec l non mouillé) en Rouergue, mais ce n’est pas le rush : pour l’Aveyron, 4 naissances au siècle dernier (1891-1990). Par contre, les fréquences deviennent plus sensibles dans quelques départements limitrophes : 24 naissances dans l’Hérault et surtout 80 naissances dans le Gard.

 

 

Pailhoriez, Pailloriès

 

On s’arrêtera enfin sur le nom de lieu Pailhoriez désignant une ferme du sud du Causse Comtal, au sud de Campeyroux, dans la commune de la Loubière, représentant l’occitan palhorièr, dérivation de palha avec suffixe collectif -orièr, suffixe que l’on retrouve avec femorièr « fosse à purin » (dérivé de fems, fumier).

On retrouve ce nom de lieu devenu nom de famille avec PAILLORIÈS endémique au seul département de l’Aveyron. Peu connu aussi bien comme nom de lieu que comme patronyme, il existe avec 10 naissances au siècle dernier (1891-1990) avec pour foyers de fréquence Saint-Rome-de-Cernon, Saint-Affrique et Roquefport-sur-Soulzon.

 

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1. A noter que le toponyme Balaguier répond étymologiquement au sens d’aire à dépiquer. Balaguier-sur-Rance, Balaguier-d’Olt et Balaguier, 2e élément du nom de la commune de la Capelle-Balaguier (canton de Villeneuve) représentent un ancien occitan  *balaguier, au sens probable d’« aire » (lieu de la meule), terme parallèle à l’espagnol balaguero « meule de foin ou de céréale » de même formation (sur balag- dérivé de bala, balle du grain des céréales sur l’aire + suffixe -ero espagnol / -ièr occitan ).

2. Pierre SOLASSOL (PÈIRE DE VEIRAU) et Marie-Jo CARTAYRADE : Le Causse Noir (Guide – découverte – patrimoine). Les petits causses voisins (Bégon, Camprieu, Comeyras). Les vallées de piémonts (Tarn rive gauche, Jonte, Trévezel, Dourbie), Vagabonds des Grands Causses, Lou Caussé Négre, 264 p., été 2008.

 

 

 

 

 



19/03/2015
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