Noms de Familles et Noms de Lieux

Noms de Familles et Noms de Lieux

Arpentage et petit champ

 

 

Arpentage et petits champs 

 

 

Carte ? ou quarte ?...

 

 

 

On a compris que la racine de ce mot est « carte ». Mais il s’agit bien plutôt de « quarte » que de « carte ».

Dans son ouvrage Histoire du cadastre, Marc Vaissière conclut p. 183 en disant que « la sétérée la plus répandue [en Rouergue] est généralement divisée selon un système quaternal, c’est-à-dire en 4 quartes ou 16 boisseaux ».

Le même auteur nous donne la valeur de sétérée la plus connue dans notre département sous l’Ancien Régime : 0,2568 hectare, soit 2568 m2, c’est-à-dire, grosso modo, la surface d’un carré de 50 m de côté.

En toute logique, la quarte étant le quart de ce carré, est la surface d’un carré de 25 m de côté.

A noter que, originellement, ces unités de surface étaient basées sur des unités de volume : ici le setier, volume  de grain pour ensemencer une sétérée (d’où le nom de sestayral, mesure à grain creusées dans la pierre, sous les halles de Saint-Léons).

 

 

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Cartayre

 

A Millau, le quartier de Cartayre porte le nom de la ferme de Cartayre au sujet de laquelle Jules Artières a dans Millau à travers les siècles, fait un état des propriétaires, dont les frères Cobe, à partir du XVe siècle.

Cette famille de marchands (c’est-à-dire à la tête d’une équipe de muletiers et de rouliers) était connue sous le surnom de Cartayre représentant l’ancien occitan cartaire au sens d’arpenteur.

Comme cela arriva souvent, les propriétaires laissèrent leur nom ou leur surnom aux lieux qui leur appartinrent.

Dans le cas présent, le lieu de Cayac (donc nom d’ancien domaine gallo-romain) devint donc Cartayre.

Le nom de famille CARTIER a, parmi d’autres sens possibles, le même sens d’arpenteur à partir d’un franco-occitan cartier « arpenteur1 » (celui qui découpe les surfaces en quartes).

Il n’est pas connu dans l’Aveyron et les départements du nord-languedocien, mais il est bien connu dans les départements de la façade méditerranéenne : depuis l’Aude jusqu’au Var en passant par l’Hérault. Le Puy-de-Dôme, les Bouches-du-Rhône, la Gironde et le Vaucluse étant les départements de référence de référence occitans de ce sobriquet de profession devenu nom de famille.

Sa plus grande diffusion est toutefois en pays d'Oïl : Haute-Savoie, Doubs, Oise, Sarthe…

 

 

Cartayrade

 

Si Cartier / Cartayre se rattachent au métier d’arpenteur, il n’en sera pas de même pour le nom de famille aveyronnais CARTAYRADE.

Le nom de famille CARTAYRADE est spécifiquement occitan. Il a l’Aveyron et l’Hérault pour départements de référence.

Il est à mettre en regard du nom du hameau de Cartayrade dans les montagnes de la commune de Mélagues.

On peut également citer Cartayrade de la commune de Robiac-Rochessadoule dans le Gard, et Cartayrade / Cartayrades des commune de Caylus et Albefeuille-Lagarde dans le Tarn-et-Garonne.

Dans le Lot, on a le pluriel Les Cartayrades, de la commune de Belaye.

Dans son Dictionnaire patois-français de l’Aveyron, Aimé Vayssier a donné l’occitan cartairada  (que l’on peut traduire par le français « quartelée ») en tant que mesure agraire valant 9 ares à Belmont-sur-Rance.

Cela constitue une petite surface de 800 m2 : soit, grosso modo, un carré de 30 m de côté. Le toponyme Cartayrade est donc, à l’origine, un appellatif de petit champ demeuré par la suite comme nom de lieu. Ce nom s’est étendu aux champs environnants  et est devenu nom de ferme.

 

 

Cartayrade

 

Nous avons vu que le nom de famille CARTAYRADE représente un nom de lieu devenu nom de famille par la relation du lieu à l’habitant.

Cartairada traduit par le français « quartelaie » désigne un petit champ que l’on peut imaginer sous la forme d’un carré de 30 mètres de côté.

Nous avons également vu que CARTAYRADE avait le département de l’Aveyron et, à un moinde titre l’Hérault, pour départements de référence : 312 naissances  au siècle dernier (1891-1990) dont 140 pour l’Aveyron et 68 pour l’Hérault.

Sous cette forme, on note, outre Millau, une forte concentration sur le Causse Noir : Veyreau, Saint-André-de-Vezines, mais aussi Peyreleau et la vallée de la Dourbie avec La Roque-Sainte-Marguerite et Nant.

Notons également Saint-Affrique, Tournemire, Villefranche-de-Rouergue, Saint-Martin-de-Lenne et Rodez, Olemps.

 

 

Cartairade

 

La raison d’être du y de Cartayrade est la nécessité d’engager à la prononciation du i : Cartaïrade.

CARTAIRADE gardois garde son i phonétique au risque d’engager la prononciation Cartérade pour les personnes qui ne sont pas de la région.

On dira que Cartairade est gardois dans la mesure où, bien moins connu (une centaine sur le plan national), il a sa plus grande fréquence dans le Gard :

45 naissances pour le Gard, 23 pour l’Hérault et 13 pour l’Aveyron.

Dans le Gard, ses principaux foyers de fréquence  sont Nîmes, Lanuéjols, Arre et Le Vigan.

Le Dictionnaire topographique du département du Gard, d’Eugène Germer-Durand, donne CARTAIRADE dans la commune d’Arre (Mansus de Cartayrade en 1407), signalé comme nom de ferme détruite en 1861.

Le schéma d’expansion des Cartairade et des Cartayrade montre généalogiquement des continuités à l’intérieur d’une même famille qui migre depuis le Lanuéjols gardois jusque dans la vallée de la Dourbie et le Millavois.

 

 

Carteyrade, Carteirade

 

Moins connue encore est la forme avec ey au lieu de ay : 71 naissances sur le plan national au siècle dernier (1891-1990).

Elle est gardoise mais ne se recoupe pas (hormis Nîmes) avec les foyers de fréquence de Cartairade.

Ses principales zones d’extension en sont Nîmes, Alès, Villeneuve-d’Avignon, Crespian et Durfort.

Carteyrade a également sa forme en i : CARTEIRADE.

Mais celle-ci est en voie de disparition et ne gardait qu’une infime présence à Avèze et Uzès au siècle dernier (1891-1990), ce qui signifie qu’aujourd'hui la démographie de ce nom s’est pratiquement éteinte en ces lieux.

 

 

Cartalade

 

A quartairada dérivé de quartièr ou quartièra, la toponymie aveyronnaise adjoint la variante quartalada, dérivé de quartal « mesure de grain » et « mesure de superficie »

Il sera difficile d’apprécier des différences de mesure entre l’une et l’autre, aussi bornons-nous à constater les mutations linguistiques dans les limites du champ sémantique des mesures agraires.

Ainsi du dérivé quartalada représenté par le nom de lieu Les CARTALADES, de la commune de Sainte-Croix  (canton de Villefranche-de-Rouergue).

On observe enfin le dérivé occitan quartonada, dérivé de quarton, mesure de grains d’importance modeste et la superficie de terre ensemencée avec cette quantité de céréale. Ainsi le sens de «petit champ» est-il donné par Puech de CARTONADO au nord d’Enguialès (com. du Fel) et Les CARTONADES dans la plaine du Lot au nord d’Ambeyrac.

 

 


 

1. Le français « arpenteur » est un dérivé de « arpent », nom de mesure de surface issu du gaulois arepennum qui désignait déjà une demi-jugère, une superficie de terre labourée en une demi-journée par un attelage de bœufs.  Marc Vaissière signale que le nom d’arpent a été donné en occitan pour désigner le compas d’arpenteur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



07/03/2015
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